001. NICE, ACCALMIR

L’HIVER (III)

Quand hors de vue,    et là révolues,    de la saison

Sont les images,    ainsi vient l’hiver durer,    

Le champ est vide,    plus douce paraît la vision,

Et tentent partout tempêtes,    et pluie de tomber. 

 

Comme une journée de paix,    ainsi est l’an qui s’achève,

Comme d’une demande l’écho,    voulant qu’il se parachève,

Puis, du printemps,    apparaît la nouvelle ère,

Ainsi, avec sa gloire,    luit la nature sur la terre. 

 

Friedrich Hölderlin, L’Hiver (III), Cycle des Saisons, 24 janvier 1743

 


 
VULNÉRABLE

Nice en hiver a son lot de destructions, d’abandons, d’accidents. C’est le moment de la régénération; la mer qui nous accueille en été nous noie à présent. Elle râle lourdement. Maintenant que les touristes ne sont plus là, les bâtiments sont des carcasses avec leurs os tout désossés. Qu’est ce que j’ai de la peine pour eux ! Ils pleurent des câbles, des fils, et leurs sanglots brisent le béton. 

 

LES FANTÔMES

Au diable luxure, stupre et flamboyance. 

À l’Hôtel Méditerranée, en hiver, les vieilles étoiles pointent le bout de leur nez. Je les imagine tous, ces fantômes, dans leurs habits de grand-père : des trois-pièces beiges en velours côtelé, un peu larges, des cheveux soigneusement gominés. Une montre dont le cadran est dirigé vers l’intérieur, ils veulent garder le temps pour eux. Une vieille voiture américaine, blanc-cassé. 

 

SINGES EN HIVER

Je marchais et puis il faisait froid. Sur le chemin, je voyais ces grands pins maritimes. Les pins sont des arbres orageux, leurs épines fendent l’atmosphère en deux. C’est comme si on avait mis la foudre au bout de leurs tiges et toute la fureur de la mer dans leur ombrage. J’avais mes mains recrocvillées dans mes poches. Moi j’étais comme un de ces singes en hiver, qui ont peur du grand froid et qui se réfugient en ville. Et puis on me ramèna chez moi, dans un climat d’accalmie.

 

– E. Milliet