005. SUÐURLAND, VISIONS

La voix des eaux

Voici encor de l’heure qui s’argente,
mêlé au doux soir, le pur métal
et qui ajoute à la beauté lente
les lents retours d’un calme musical.

L’ancienne terre se reprend et change:
un astre pur survit à nos travaux.
Les bruits épars, quittant le jour, se rangent
et rentrent tous dans la voix des eaux.

L’invisible qui luit 

C’est presque l’invisible qui luit
au-dessus de la pente ailée;
il reste un peu d’une claire nuit
à ce jour en argent mêlée.

Vois, la lumière ne pèse point
sur ces obéissants contours,
et, là-bas, ces hameaux, d’être loin,
quelqu’un les console toujours. 

– Rainer Maria Rilke, Quatrains Valaisans 


 

VISIONS

Voici l’île où vit la Terre.

Elle s’étend puis se recroqueville. Un chemin sinueux s’étend par delà ma vision. Plus loin que ces vallons, une mer d’argent et de transparences se dévoile. Isthme sacré qui lie des sentiments inavouables. 

Et que dire du caviar, cet or de la mer qui se déverse dans ses baies. Les billes de verre noires inondent les plages de leur éclat ténébreux. 

Un reliquaire de basalte s’érige dans ce paysage consacré. En son sein, une poussière et un bec de macareux. 

Un champ de fleurs blanches et une cabane abandonnée.

Chevaux qui luttent dans le vent froid ;  êtres calmes qui subissent. Les longues herbes drues frottent leur pelage. Le mouvement de leurs muscles épouse leur respiration. 

 

Zinc cuivre fer 

Diamants déserts 

 

CRATÈRE

Cratère : vestige d’explosion, trace d’anéantissement. Sous ses pieds, deviner les vies enterrées sous les scories. Quelques éclats de vaisselle, des barres de fer rouillées qui se dévoilent dans l’ocre. Les champs de lave, comme des réminiscences de destruction.

Marcher sur des vestiges volcaniques. Sentir cette terre de feu, ces poussières écarlates. La brûler d’encens. Humus sanguinaire qui s’engouffre dans les narines. Goût ferreux dans la bouche. Le glacier fond lentement. Entendre le battement régulier des gouttelettes rejoindre un torrent.